Issayas Afewerki

Origines et enfance

Issayas Afewerki est né le 2 février 1946 à Asmara, alors sous administration britannique. Il est issu d’une famille tigrinya chrétienne orthodoxe. Ses parents sont originaires de Tselot, un village proche d’Asmara, sa mère est d’origine du Tigré. L’Érythrée était alors en pleine transition politique, oscillant entre l’administration britannique et les aspirations à l’autonomie, avant son annexion par l’Éthiopie en 1952. Ce contexte a sans doute marqué l’enfance d’Issayas, exposé très tôt aux tensions politiques et au nationalisme naissant.

Formation académique et rupture

Issayas a fréquenté l’école secondaire Prince Makonnen à Asmara, connue pour avoir formé une élite locale érythréenne. En 1965, il intègre l’Université d’Addis-Abeba en Éthiopie, où il étudie l’ingénierie mécanique. Cependant, il abandonne ses études en 1966 pour rejoindre le Front de Libération de l’Érythrée (ELF), une organisation de lutte armée contre l’annexion de l’Érythrée par l’Éthiopie.

Engagement dans la lutte armée

Issayas rejoint l’ELF en 1966, mais il critique rapidement sa structure organisationnelle, qu’il considère inefficace et tribale. Ces désaccords culminent en 1970 lorsqu’il fait scission pour former le Front Populaire de Libération de l’Érythrée (FPLE), une faction plus idéologiquement cohérente et centralisée.

Sous sa direction, le FPLE adopte une stratégie marxiste-léniniste, alliant nationalisme érythréen et principes socialistes. Les années 1970 et 1980 sont marquées par des luttes internes sanglantes entre le FPLE et l’ELF, que le premier finit par écraser.

Par ailleurs, le FPLE gagne en puissance face à l’armée éthiopienne grâce à un leadership discipliné et une stratégie efficace, incluant des campagnes de guérilla dans les zones rurales. La victoire décisive de 1991, après la chute du régime éthiopien de Mengistu Haile Mariam, marque un tournant historique : l’Érythrée devient de facto indépendante.

Indépendance et présidence

En 1993, après un référendum organisé sous l’égide des Nations Unies, l’Érythrée devient officiellement indépendante, et Issayas Afewerki est élu président par l’Assemblée nationale. Initialement, son leadership est bien accueilli, notamment grâce à son image de héros de la libération.

Cependant, cette popularité s’effrite rapidement en raison de ses méthodes autoritaires. La Constitution de 1997, adoptée mais jamais mise en œuvre, prévoyait un système multipartite. Depuis lors, il n’y a eu aucune élection nationale, et l’Assemblée nationale est inactive.

Les aspects sombres de son règne

  1. Répression politique :

    • En 2001, Issayas ordonne l’arrestation de 15 hauts responsables politiques (connus sous le nom de G15) pour avoir critiqué son régime et demandé des réformes. Ces prisonniers politiques sont détenus dans des conditions inhumaines et portés disparus.
    • La presse indépendante a été fermée la même année, et les journalistes emprisonnés. L’Érythrée est depuis classée parmi les pays les plus répressifs en matière de liberté de la presse.
  2. Conscription militaire à durée indéterminée :
    La « conscription nationale » oblige les jeunes Érythréens à servir dans l’armée ou dans des projets civils sans limite de temps, souvent dans des conditions proches de l’esclavage. Cela a conduit à une fuite massive de la jeunesse érythréenne vers l’étranger.

  3. Conflits régionaux et isolement :

    • Entre 1998 et 2000, l’Érythrée s’engage dans une guerre sanglante avec l’Éthiopie à propos de la région contestée de Badme. Malgré un traité de paix en 2000, les relations restent tendues jusqu’à une réconciliation historique en 2018. Cependant, cette paix n’a pas entraîné d’amélioration des conditions internes.
    • L’Érythrée a également eu des tensions militaires avec Djibouti et le Yémen.
  4. Dictature opaque :
    Le régime d’Issayas est extrêmement centralisé et secret. Il s’appuie sur un appareil sécuritaire omniprésent pour surveiller et réprimer toute dissidence. L’absence de système judiciaire indépendant rend les opposants particulièrement vulnérables.

Trahison de ses camarades

Issayas est accusé d’avoir systématiquement éliminé ou marginalisé ceux qui représentaient une menace pour son pouvoir :

  • Il a neutralisé ses anciens alliés du FPLE qui demandaient des réformes. Certains, comme Petros Solomon, ancien ministre des Affaires étrangères, ont été arrêtés et n’ont jamais été revus.
  • Il a également concentré le pouvoir entre ses mains, refusant de partager l’autorité avec d’autres membres influents du mouvement de libération.

Défauts de caractère

  • Paranoïa : Sa méfiance envers ses propres alliés et ses ennemis politiques est l’une des caractéristiques les plus marquantes de son leadership.
  • Autoritarisme : Il est connu pour ne tolérer aucune critique et exercer un contrôle absolu sur toutes les institutions de l’État.
  • Vision centralisée : Il croit fermement que seule une concentration totale du pouvoir peut préserver l’unité et la souveraineté de l’Érythrée.
  • Rigueur excessive : Issayas impose des mesures extrêmement dures à son peuple sous prétexte de maintenir la sécurité et la stabilité.

Un leader controversé

Issayas Afewerki est vu par certains comme un héros de l’indépendance érythréenne, mais pour la majorité, il incarne une dictature brutale. Sa vision autocratique a empêché l’Érythrée de se développer politiquement et économiquement, plongeant le pays dans un isolement international et une crise humanitaire profonde.

En dépit des critiques internationales, il reste au pouvoir, exploitant le nationalisme et la peur d’une ingérence étrangère pour maintenir sa domination.